Stéphanie BEAULIEU, Alice BOUTTEN, Benoît DAVROUX, Andréanne GAGNON, Sébastien MICHAUD et le collectif POISSON MORT
ESPACE F présente pour une douzième année consécutive une exposition collective consacrée aux artistes émergents. Vertes expressions réunit des oeuvres qui illustrent la multiplicité des usages que l’on fait aujourd’hui de l’objet photo-vidéo.
Avec Introspection, Alice Boutten dispose sur une table une centaine de bandes-photos issues d’un photomathon qu’elle a installé dans un cégep. Les visiteurs peuvent manipuler ces autoportraits et ce faisant, dévoilent le miroir sur lequel reposent les bandes. Un jeu sur l’autoreprésentation et son interprétation par les autres. Comme le constate l’artiste : Ce n’est pas seulement le QUI SUIS-JE ?, c’est aussi le QUI ES-TU? qui façonnent notre identité. Alice Boutten est originaire de la région Lilloise; elle vient de terminer six années d’études en photographie dont deux au Cégep de Matane.
«L’herbe est toujours plus verte chez le voisin». Nous connaissons la signification de cette maxime ironique. Échantillonnages à l’appui, l’artiste montréalaise Stéphanie Beaulieu entend prouver au public de la Matanie que la pelouse n’est jamais plus verte chez le voisin! Pour la démonstration, un plancher complet du centre est tapissé de plus d’une centaine de relevés photographiques de gazons matanais. VERT-VOISIN#2 est issu d’une réflexion sur la comparaison que commet sans cesse l’animal social s’ajustant aux pressions des autres.
Dans Dimension lumineuse, le passage contrôlé de la lumière dans du verre et du tissu permet à Benoît Davroux d’enregistrer des formes évanescentes dont il accentue ou transforme le modelé par des mouvements de caméra lors de longues expositions. En résultent des figures translucides sur fond noir, à la fois abstraites et concrètes, que l’on peut imaginer provenir des profondeurs marines ou spatiales. Une recherche formelle qui vise un rendu visuel raffiné où ce jeune artiste de nationalité française partage sa passion pour la création picturale à partir de matériaux élémentaires. Benoît Davroux vient de terminer des études en photographie au Cégep de Matane.
Sébastien Michaud nous fait découvrir un camping du Saguenay-Lac-Saint-Jean où les administrateurs et les vacanciers se sont donné le mot d’ordre de créer un décor qui rappelle la Floride. Si la forêt environnante est majoritairement composée d’épinettes, au DOMAINE DE LA FLORIDA à Saint-Ambroise, de faux palmiers grandeur nature accueillent les visiteurs. Des noms exotiques sont donnés aux allées entre les roulottes et plusieurs de ces dernières proposent en trompe-l’oeil des images de plages ou autres scènes tropicales. Un lieu d’évasion moins cher que ceux fréquentés par les snowbirds et qui réussit à attirer des centaines de retraités sur ses 700 parcelles. Le photographe montréalais y croque des scènes incongrues rappelant que le rêve d’un chez-soi floridien demeure bien ancré dans l’imaginaire collectif québécois.
Une approche plasticienne, aux frontières du dessin, de l’estampe et de la photographie, caractérise le travail d’Andréanne Gagnon. Dans Des poussières d'ailleurs, de petits bouts de papier sont froissés, étiolés, triturés, percés dans un processus plusieurs fois répété. Ce travail de destruction minutieuse aboutit à des objets aux frontières de la désagrégation que l’artiste macro-photographie en faisant ressortir leur foisonnement de détails et leur géométrie complexe. Détourées avec soin, ces minuscules «sculptures» monochromes semblent issues d’un dessin au plomb d’un grand réalisme. Comme un enfant à qui l’on a donné sa première loupe, cette jeune artiste de Québec fait aller sa curiosité devant cette infinité de microcosmes qui nous entourent et nous fait partager ses découvertes.
«Paqueter ses petits», «Passer la nuit sur la corde à linge», «Se laisser manger la laine sur le dos», autant d’expressions populaires qui voient leur sens figuré passer au sens propre dans les mises en scène décalées du collectif de photographes Poisson mort. Si l’incongruité des contextes qui illustrent les expressions offre sur-le-champ au spectateur le jeu de la correspondance entre signifiants et signifiés, le ton cru et féroce laisse peu d’ambiguïté sur le portrait de société qu’ont en tête les auteurs. Dans ce projet intitulé 80% LAINE et 20% SOUCHE, le Québec se voit surxeposé et les détails peu flatteurs sont visibles. Poisson mort est formé de Georges-Étienne M. Faubert et Kéven Poisson. Ces deux anciens du Cégep de Matane en photo, vivent et travaillent à Montréal.